Avec "Divorce à l'italienne", projeté vendredi 17 juin en clôture de la deuxième saison du ciné-club du Bassin, Pietro Germi livre une satire aussi drôle que féroce mais aussi courageuse, jonglant entre différents tons avec brio, immergeant le spectateur dans la vie oisive et dans la noirceur du baron Cefalù, aristocrate sicilien déchu. Partant de l'idée de base de trouver un moyen de se "débarrasser de sa femme" au nom d'un honneur bafoué, P. Germi se montre tout le long du film, inventif, proposant des rebondissements bien trouvés, bénéficiant d'une excellente qualité d'écriture et mise en scène, d'un rythme alternant les mouvements longs et courts.
Intelligemment, le réalisateur laisse une totale liberté d'interprétation à un Marcello Mastroianni inspiré, exceptionnel dans le rôle d'un baron cynique. Film culte, oeuvre d'influence, monument de notoriété, "Divorce à l'italienne" reflète bien une époque heureusement révolue et figure désormais parmi les 100 films à sauvegarder en Italie.
Un difficile renversement. Françoise Dupouy et Elisabeth Delage, membres de France-Italie Aquitaine, co-organisatrices du Festival du film italien à Andernos-les-Bains, ont animé la rencontre en faisant partager leur parfaite connaissance du cinéma transalpin et une approche sociologique pertinente de l'Italie du milieu du XXe siècle..
Longtemps le divorce à été interdit par la loi italienne. Un véritable tabou social, davantage marqué en Italie du Sud (où se situe l'action). Au début des années 1960, la pression populaire s'accentue et le Parlement vote une loi en faveur du divorce à l'automne 1969, mais c'est en 1974 que le peuple italien se prononce majoritairement par référendum en faveur du maintien de cette loi.
Axé sur le divorce, le meurtre et l'honneur, le film de Pietro Germi "colle" à une réalité des années soixante, où le "permis de tuer" était toléré par la loi, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Le peines encourues étant cependant discriminantes selon le sexe des meurtriers (3 à 7 ans pour les hommes, 8 à 15 ans pour les femmes)!
La société italienne conservatrice s'est montrée longtemps rétive à l'évolution de la loi, comme l'a souligné Elisabeth Delage. En 1981, - longtemps après le film, que le législateur abroge enfin la loi sur le crime d'honneur...
Une part de "Guépard". On décèle des similitudes entre "Divorce à l'italienne" de Pietro Germi et " Le Guépard " de Luchino Visconti (1963). Proximité des deux tournages, même milieu décrit (l'aristocratie), thèmes approchants (le mariage, le divorce), de semblables cadres (palais somptueux ou décrépit, c'est selon). Certes un siècle sépare les époques abordées dans les deux films. "Mais on peut percevoir l'évolution négative de ces milieux-là avec une noblesse anémiée et la place différente de la femme. Cela n'avait plus rien a voir", conclut Elisabeth Delage.
On en reparle
"Ma mère, mon héros"
En prélude à la soirée, Luna Allard, 18 ans, étudiante gujanaise en école de cinéma et audiovisuel à Bordeaux et lauréate de la sixième édition du projet Moteur ! (1) a présenté pour la première fois en public son très court-métrage (1 min. 30) dédié à sa mère, née sous X.
En récompense, Luna et les autres lauréats nationaux ont eu le privilège de monter les marches du Palais du festival de Cannes, le 26 mai dernier, afin d'y recevoir leur distinction et de participer à la soirée.
Le personnage que Luna a choisi d’admirer (le thème du concours), c’est sa mère « pour son courage, sa détermination, son mental d’acier, son pardon ». A 33 ans, cette dernière a découvert brutalement son adoption cachée et sa naissance sous X. Au bout de quatre années de recherches et d'une enquête difficile, elle a fini par renverser les tabous et le secret administratif pour retrouver sa mère biologique et apprendre l'existence d'une autre famille. Un livre pour Sabine (en 2015), un film pour Luna (en attendant la suite) reconstituent une histoire enfouie sous X.
(1) Destiné aux jeunes de 14 à 22 ans.
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